19. Les ados et la PF
Pour la Dre Franziska Baltzer, l’acomoclitisme est plus qu’à la mode, elle est la règle : « [À] la clinique, lorsque nous procédons à un examen gynécologique, nous sommes surpris lorsqu’une fille a encore du poil pubien ! C’est l’exception ! Ce phénomène date d’environ 3 ans. Il est apparu subitement et maintenant, tout le monde le fait. Aujourd’hui, il y a des filles qui se rasent le poil pubien aussitôt qu’il apparaît. Cette semaine, par exemple, j’ai vu une fille de 12 ans qui avait son poil pubien rasé. Il y en avait une autre, il y a environ 2 ou 3 semaines, qui avait dix ans et elle était rasée. Ce sont les mères qui amènent leurs filles pour se faire raser le poil pubien. La fille de 10 ou 12 ans ne sait certainement pas où aller […] pour ce type d’épilation.»
Extrait de la page du site Sisyphe.org sur l’hypersexualisation des jeunes et filles et l’infantilisation des femmes, cité plus haut, qui date de 2006.
Dans un article consacré à l’acomoclitisme, qui date de 2009, il est question entre autres, du fait que les fillettes à peine adolescentes se font déjà épiler au laser, tellement elles ne supportent pas les poils. C’est le résultat du matraquage des médias qui ne montrent plus que ça depuis une dizaine d’années.
Dans le même temps aussi, on sexualise (dans le discours, dans le vêtement, dans les pratiques) de plus en plus tôt les très jeunes filles. Aujourd’hui, d’après mes amis qui font fortune dans l’épilation au laser, ce sont des fillettes de 12 ou 13 ans qui viennent avec leur mère pour faire disparaître un léger duvet – mais insupportable, semble-t-il. Du coup, si l’on fait le compte, si l’on additionne tout cela, on en arrive à cette conclusion : les filles et les femmes se confondent. Ou dit autrement, les très jeunes filles se féminisent jusqu’au grotesque et les femmes s’infantilisent jusqu’à l’absurde. Au regard des combats féministes, c’est certes un peu gênant, disons-le. Et au centre de tout cela, variante nécessaire mais non suffisante, il y a ce poil que l’on enlève. Ce n’est pas cet acomoclitisme de masse qui est la cause de tout, non, mais c’en est un moyen. Il est indispensable, de fait.
Comment à cet âge-là peut-on décider avec son libre arbitre ? Pourquoi subitement cette envie d’enlever ce qui fait de ces jeunes filles des femmes puisque l’apparition des poils les différencient justement des fillettes impubères qu’elles étaient ?
Le commentaire suivant a été posté sur le blog d’Hélène, en 2008.
Quand je vois ma cousine de 16 ans , vierge et pas du tout au fait des choses de la vie, se raser intégralement le pubis parce qu’elle trouve que « les poils ça fait crade », je m’interroge un peu sur la pression ressenties par les jeunes filles.
Voici deux commentaires postés sur un forum de France-Inter suite à une émission consacrée à l’épilation en 2008
Ma fille a 9 ans. Elle commence à être gênée, par ce duvet assez épais (heureusement plutôt blond) sur les bras.
A quel âge peut on épiler le duvet au dessus des lèvres? Ma fille de 12 ans et demi me demande de l’aider à le faire disparaitre.que puis je lui proposer?
Un témoignage affligeant du site doctissimo.fr, datant d’août 2006.
Ma fille a passé un après-midi [chez une copine] et elle est revenu avec les mollets rasés. Jusque là rien de banal, sauf qu’elle n’a que 9 ans et 3 mois. Sa copine d’un an de plus se rase et elle demande à sa copine de raser une petite partie et au lieu de çà elle lui rase le mollet.
Voici la première réponse
Fais lui faire une épilation définitive au laser, comme elle est petite ça coûtera moins cher que pour une adulte.
La maman remercie pour la réponse et dit ceci
C’est vrai que la solution épilation à la cire, une esthéticienne m’a dit qu’il y avait des mères qui amenaient leur fille à 10 ans, mais il fallait qu’elle les prépare à cette douleur. Même étant adulte..Qu’est-ce que cela fait mal, nom d’un chien
Une fillette prépubère de 9 ans qui est gênée par ses poils sur les bras ? Une mère qui veut épiler intégralement sa fille impubère ? Des mères qui amènent leur fille de 10 ans chez l’esthéticienne ? Mais c’est quoi ce délire ? Pour moi, c’est la pub et l’entourage qui provoquent ça. Elles ont probablement une mère obsédée par l’épilation ou une soeur aînée et il y a forcément « contamination ». Il y a donc une nette accélération de la pression, dès le plus jeune âge, les fillettes sont déjà stressées à l’idée des poils qu’elles n’ont même pas encore et elles sont dégoûtées de leurs poils, comme si elles étaient « sales ».
Sur un autre forum, une dame me disait en 2008
j’entends et je lis souvent des paroles de gynécologue qui disent que pratiquement 100 % de leur (très) jeunes patientes – des fillettes de 11,12, 13 ans- sont toujours, toujours rasées.
Une jeune prof d’HG disait ceci en 2006 sur le forum de MIEL
je montre à mes élèves de 1° un tableau de Modigliani (« le nu couché », 1919), qui montre une belle femme nue dans toute sa nature; Bien sûr, commentaires des mecs à mi voix et une fille (détail significatif) qui dit tout haut : »hé madame, ils s’épilaient pas en ce temps là ? ». Et moi partie pour un petit topo sur la mode, la coutume, les canons de beauté, la relativité des usages selon les pays et les époques et tutti quanti. Ecoute attentive mais assez sceptique de l’ensemble de la classe et toujours ce même argument qui revenait: « mais madame, c’est sale, les poils ! »
On voit bien à quel point ces jeunes sont influencés par les pornos et les pubs de femmes sans poils. La même génération mais dans les années 90 aurait tenu des propos tout à fait différents.
Autre anecdote de la même prof
L’an dernier, dans une de mes seconde, j’ai eu une petite asiatique adorable, Marie, qui, je m’en suis aperçue quand il a commencé à faire chaud (avril-mai) ne s’épilait pas les aisselles. Je pense que, outre une pilosité discrète, (comme c’est souvent le cas chez les Asiatiques, paraît-il) elle était encore assez « gamine », assez « innocente » pour ne pas trop prêter attention à cet aspect de son corps (ou alors bien éduquée… !) Donc : elle levait le bras sans aucune gêne pour répondre…. du moins au début. Naturellement (si l’on peut dire) elle a eu droit à des rires plus ou moins étouffés et, je suppose, des remarques forts claires de la part de ses copines, même si ces remarques n’ont pas eu lieu en ma présence. Résultat : 15 jours après, toujours bras nus, la petite Marie arborait des aisselles absolument lisses. Quand je pense qu’il y en a qui croient être libres !!
En 2009, encore une anecdote dans une classe de seconde, soit 15-16 ans
A un moment, une fille a dit » pour moi une fille qui a gros tatouage, c’est moche, ça fait sale, c’est comme si la meuf elle s’épilait pas… » ben voyons !! bien sûr, j’ai bondi ( silencieusement) et je me suis empressée de revenir sur la question : « Elsa, tu penses qu’une fille qui ne s’épile pas, c’est sale? » » Ah oui, madame !!! » Mais, et c’est là que j’ai été surprise , tout le monde n’était pas d’accord: certains ( minoritaires, mais incisifs !) affirmaient clairement » elle fait comme elle veut, c’est son choix », d’autres ( majoritaires bien sûr) » beuuuurk! » . le formatage est arrivé à un niveau avancé….
En 2009, sur un forum pour ados, une ado de 12 ans se plaignait que sa mère ne la laissait pas se raser les jambes, voici quelques conseils qu’on lui donne
Je ne sais vraiment pas quoi vous dire!! sa doit etre l’horreur!! mais je ne comprend pas comment une mère peut etre comme sa, c’est injustifié!! ta des poils tu les rases point barre!! au pire tu le fais en cachette chez une copine au lycée je ne sais pas moi mais ne restez pas comme sa réagisser!! une mère trop envahissante et coincée c’est rare mais chiant!! moi naussi elle était comme ça j’y ai répondu eh o je fais se ke je veut de mon corps!!
S.V.P les filles ne rester pas comme sa a souffrir et a desesperer aller vite au magasins sans ke votre mere ne le sache et acheter des produits j’espere ke je vous ai aider!!! »
Une autre de 13 ans demandait ce que les mecs préféraient niveau épilation du maillot
D’après mon chéri, les hommes ont tendance à préférer l’épilation intégrale. Je suppose que ça leur donne l’impression que la fille est prépubère, donc, par association d’idée, vierge et innocente…
Dans le film « Lol » (sorti en 2009), Sophie Marceau joue le rôle d’une mère d’adolescente. On la voit s’étonner que sa fille de 16 ans se rase le pubis, elle se justifie en disant qu’elle n’aime pas les poils et sa mère répond : mais ceux-là, personne ne les a vus.
Ce qui veut dire qu’on s’épile d’abord pour les autres. C’est la réalité de beaucoup de femmes mais je pense que c’est la fille qui a « raison », de plus en plus d’adolescentes détestent leur pilosité et n’attendent pas d’avoir montré leur corps à un-e partenaire pour se raser.
Le commentaire suivant vient d’un blog et a été posté en 2006. Il montre bien que l’épilation peut être un « rite de passage » mais que pour faire passer la pilule, on invente un prétexte bidon.
L’épilation, c’est vraiment une histoire de filles, une histoires de femmes, et aussi un passage de relai d’une génération à l’autre. Dans ma famille, un « mythe » dit qu’il faut épiler les filles avant leurs premières règles (ça ralentirait la repousse des poils). Je me souviens de l’été de mes 12 ans, ma cousine et moi avions été prises en main par nos mères et nos tantes, et avions été débarrassées des 3 poils qui se battaient en duel sur nos mollets.
C’est clair que cette femme et sa cousine n’ont pas pu dire non. Vous avez dit « libre choix » ?
Concernant l’influence des mamans sur leur fille, voici ce qu’on pouvait lire en 2004 sur un blog canadien tenu par Julia Caron
As young girls, many of us look up to our mothers as the essence of all that is feminine. With beautiful breasts and curvaceous hips and smooth shaven legs, we want to be like them as soon as possible. We know we can’t possibly sprout those curves in a matter of minutes, so we do the only thing we can achieve in mere seconds — shave.
Traduction : en tant que petites filles, nous sommes nombreuses à regarder nos mamans comme l’essence même de tout ce qui est féminin. Avec de beaux seins, des hanches galbées ainsi que des jambes lisses, nous désirons être comme elles aussitôt que possible. Nous savons qu’il n’est pas possible de faire surgir des hanches de femme en quelques minutes, donc nous faisons ce que nous pouvons faire en quelques minutes, se raser.
Cette explication n’est évidemment pas valide pour toutes les fillettes, cela dépend de la relation avec la mère, si elle est vraiment vue comme le modèle à suivre. Mais il y a quelque chose de vrai et d’inconscient dans ce désir de ressembler à sa mère.
Il est surprenant de voir que les adolescentes maîtrisent toutes les épilations possibles mais qu’une certaine partie d’entre elles se retrouvent enceinte car elles ignorent comment cela se passe ! La connaissance de la sexualité est tout de même plus importante que la maîtrise des techniques épilatoires, il me semble.
Comme je l’ai déjà dit plus haut, dans les années 70, les adolescentes ne s’épilaient pratiquement pas, sauf parfois en été pour aller à la plage. Mais ce n’était pas obsessionnel comme aujourd’hui, ce n’était par exemple pas du tout un sujet de discussion entre elles. Alors qu’aujourd’hui, elles en parlent entre elles pour se donner des conseils afin d’épiler ou de raser, elles en parlent à leurs parents, se documentent sur Internet, etc.
L’industrie cosmétique est arrivée à sa fin : convaincre les ados et les femmes qu’il faut absolument s’enlever tous les poils, dès qu’ils poussent mais en faisant croire que c’est une demande des femmes et des adolescentes. Qui peut croire un mensonge pareil ?