La pression sociale, le libre arbitre et les autres diktats du corps

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15. Le libre arbitre et l’influence des images

Et nous savons bien que quand un conditionnement nous arrange nous ne sommes pas pressés de le remettre en question, au point de ne même pas vouloir le regarder en face.

Extrait d’un sujet du forum des CdG, en 2006. Cela s’applique à beaucoup de domaines mais surtout, à l’épilation, pour les femmes qui disent « non, non, je ne suis pas du tout influencée, je m’épile pour moi et pas pour les autres ».

Le Moi n’est pas maître en sa demeure.

Cette phrase est de Sigmund Freud, elle exprime clairement que nos pensées sont parasitées.

Ce chapitre est un des plus importants. En effet, parmi celles qui s’épilent, un certain % refuse catégoriquement l’idée d’une pression extérieure, qu’elle soit d’une personne ou de la société. Or, nous sommes imprégnés de la culture dans laquelle nous vivons et depuis une trentaine d’années, avec la prolifération des images, envahissant même nos téléphones, il est impossible d’échapper aux conditionnements. Les gens qui refusent de reconnaître la pression extérieure pensent que s’ils le faisaient, ce serait considéré comme un aveu de faiblesse. Il n’en est rien. Ce n’est pas moi qui le dis mais les psys qui étudient le fonctionnement de l’inconscient.
Au contraire, reconnaître qu’on est en partie influencé permet de prendre du recul et de s’interroger. Est-ce vraiment ma pensée profonde ? Ai-je vraiment envie de faire cet acte ? Ne suis-je pas influencé depuis mon enfance pour penser de cette façon ? Voilà les questions qu’il faut se poser.
Je suis moi-même « victime » du conditionnement et je n’ai aucune peine à le reconnaître. Mais tous les jours, je me bats pour essayer de ne pas me faire avoir et de garder mon libre arbitre. C’est une lutte quotidienne, tellement les sollicitations sont nombreuses.

Voici maintenant de quoi mieux comprendre comment fonctionne le conditionnement.

– Aux USA, de nombreux hommes sont fascinés par les armes à feu, avec les dérives meurtrières qu’on connaît.
– En Iran, des femmes manifestent pour le port du voile et insultent celles qui ne le portent pas.
– Au début du 20e siècle, quand on demandait aux femmes occidentales comment elles voyaient leur avenir, la plupart disait « j’espère épouser un homme avec une bonne situation, avoir des enfants et les élever à la maison ».

Quel est le point commun entre ces 3 faits qui n’ont pas l’air d’avoir de rapport ? L’imprégnation et le conditionnement dès l’enfance de concepts machistes. Ces Américains, ces Iraniennes et les femmes des années 1900 répétaient ce qu’on leur avait dit de penser, que ça se soit passé consciemment ou non, il n’est pas toujours nécessaire d’ouvrir la bouche pour transmettre des injonctions.
J’ai déjà vu plusieurs reportages où des petits garçons de 4-5 ans aux USA sont initiés aux vraies armes à feu. Moi aussi, j’ai joué avec des revolvers en plastique mais je ne suis pas devenu un tueur ou un type fasciné par les armes pour autant. Les Iraniennes ont baigné dans un climat où le voile est permanent et les femmes occidentales ne voyaient que d’autres femmes à la maison.

Ça fait penser à ces femmes et jeunes filles anorexiques qui disent ne pas du tout être influencées par les médias, qu’elles maigrissent car elles « aiment ça ». C’est le même déni que celles qui disent s’épiler par choix. La différence, c’est qu’on ne croit pas un instant l’anorexique mais qu’on croit l’épilée.

On peut aussi parler du syndrome de Stockholm, lorsque des otages prennent fait et cause pour les ravisseurs alors qu’ils ne sont la plupart du temps pas du tout concernés par la cause de ces gens. On est bien là face à un envahissement des pensées qui empêche de voir la réalité, tout en croyant que c’est la pensée intime. C’est très intéressant à étudier mais c’est un autre débat.

Pour celles qui invoquent le libre choix, voici une situation fictive qui fera réfléchir.
Imaginons que vous ayez un rash (inflammation) à une aisselle. Le dermato interdit rasage ou épilation mais c’est l’été et vous avez réservé dans un hôtel. Il y a 3 solutions.
1) Vous annulez vos vacances
2) Vous partez mais vous restez en t-shirt à manches
3) Vous assumez vos poils car vous vous moquez du regard des autres

Si vous choisissez l’option 1 ou 2, c’est que vous tenez compte du regard des autres, vous avouez par la force des choses que vous n’êtes pas libres de choisir.
Si vous choisissez d’assumer, vous avez une « bonne » raison de garder vos poils, un problème médical. Mais croyez-vous que ceux/celles qui vont vous traiter de yeti penseront un instant que vous ne pouvez pas vous épiler ? Où est le libre choix dans ce cas précis ?

Une femme de 18 ans racontait l’anecdote suivante sur le forum de MIEL en 2008

Je n’arrive pas à y croire, aujourd’hui la petite fille que je garde et qui vient d’avoir 7 ans s’est rendu compte que j’avais des poils aux aisselles et sa réaction m’a laissé bouche bée, elle me dit : « Oh t’as des poils!!! » je lui dit que oui et la elle me dit « Mais…T’ES UN HOMME!!!!! » alors je lui explique que non que les femmes aussi ont des poils que c’est naturel et la elle me sort « Bah non maman elle en a pas!!!! », j’ai eu beau lui dire que c’est parce que sa mère les enlève elle reste persuadée que sa mère n’a pas de poils

Ce témoignage est très intéressant car il prouve que les enfants sont attentifs au corps de leurs parents et en tirent des conclusions.
Cette petite de 7 ans est déjà imprégnée complètement de la pilophobie ambiante et il est probable qu’on ne lui en ait même pas parlé mais elle voit ce que fait sa mère, elle ressent ses pensées (les enfants sont très sensibles aux pensées des gens ayant une influence sur eux). Quand elle sera adolescente et que ses poils pousseront, elle aura l’impression que c’est d’elle-même qu’elle décidera de s’épiler alors qu’elle a subi un lavage de cerveau depuis sa naissance. Et à 18 ans, elle tiendra le même discours que celles qui invoquent la mode et le « libre choix ».

Témoignage posté sur le forum de simplicité volontaire, en 2007, qui rappelle le précédent

J’ai eu l’occasion l’année passée de donner un cours d’éveil musical à des petits de 3 à 7 ans. Après deux ou trois cours, ils m’ont dit que je ressemblait à une sorcière :-), à cause de mes longues jupes, et parce que j’ai des sourcils noirs et des poils au dessus de la lèvre. Et je ne vous dis pas quand ils ont entraperçu mes jambes : « eh, mais…. tu as des poils sur les jambes? » Ils en étaient extrêmement étonnés. J’ai bien compris qu’ils n’avaient jamais vu ça. Ce n’était pas jugeant du tout, mais ils étaient très surpris.

Toujours sur le forum de MIEL, une femme de 24 ans expliquait en 2007 que suite à l’arrêt de son épilation du pubis à cause d’une infection due à cette épilation, son copain ne voulait plus faire l’amour !

Comme beaucoup de femmes, je m’épile plus pour ne pas subir le regard des autres que par confort. Je déteste ça et d’ailleurs, je ne le fais pas à la cire car c’est beaucoup trop douloureux et comme Pierre le disait plus haut, je ne vois pas ce qui m’obligerais à subir ça. Reste que j’ai un copain très exigeant en la matière, autant résumer ainsi : poils=on ne fait pas l’amour.
Du coup la question est la suivante : à quel point doit on remettre en question une relation, et potentiellement 80% des relations amoureuses ou sexuelles qu’on est amenées à vivre, pour se libérer de ce diktat du poil? Il est là, le vrai poids social, plus que dans le regard d’inconnus sur la plage, à mon sens.

Quelques jours plus tard, elle disait ceci

j’ai eu le courage d’aborder la discussion avec mon copain… et ses réctions sont très bizarres! En effet, il a pleinement conscience de faire partie de la génération canal+, et que le fait de s’épiler intégralement est une question de mode, mais il n’est pas prêt à le remettre en question pour autant… Il est très bloqué sur cette question du poil, pour lui c’est sale et moche, bref, vous connaissez le discours. Il a même été jusqu’à me dire que son ex s’épilait le pubis à la cire, et qu’il ne comprenait pas pourquoi, si elle le faisait, moi je n’en était pas capable… Bonjour les oeillères!! Dommage car c’est quelqu’un qui est capable de se remettre en question sur plein d’autres sujets…

L’anecdote suivante est vraiment révélatrice de l’influence des images sur les pensées, on la trouve sur plusieurs blogs et sur wikipedia.

L’histoire la plus incroyable est celle du critique d’art anglais Ruskin, célèbre pour avoir défendu les artistes préraphaelites. Quand il épouse la belle Effie Gray en 1848, Ruskin est vierge. Il n’a jamais vu de femme nue, autrement qu’en statue. Le soir de la nuit de noces, il est horrifié de ne pas trouver, sous les jupes de son épouse, le renflement marmoréen, l’abricot imberbe auquel il s’attend. Cela gâche leur mariage. Six ans plus tard, Effie Gray demande le divorce au motif qu’elle est toujours vierge. Dans une lettre écrite à une amie, Effie raconte l’humiliation atroce que représente l’examen gynécologique : elle a dû révéler au regard la monstrueuse difformité dont elle se croyait atteinte. Son mari l’avait convaincue que les poils faisaient d’elle un monstre.

J’ai vu en 2008 une rediffusion d’une émission de Jean-Luc Delarue (« Ça se discute ») consacrée au premier rapport sexuel. Des jeunes témoignaient de ce qu’il a représenté pour eux. Il y avait aussi un éducateur qui va dans les lycées pour expliquer l’anatomie, le maniement des préservatifs, la prévention contre les MST. Il disait qu’un jour, un jeune homme se plaignait d’avoir mal vécu son premier rapport car il pensait que la fille était malade. Sa « maladie », c’était ses poils pubiens. Il n’en avait jamais vu sur le corps d’une femme car il n’avait que les films X comme seule référence.
C’est un témoignage très intéressant car ce genre de remarques était impensable il y a 10 ans. Cela montre bien l’influence sournoise des images sur les gens, avec des conséquences concrètes très dommageables. Ce garçon est totalement dans l’inversion de la réalité. En effet, ce sont les femmes malades ou vieillissantes qui n’ont « naturellement » plus de poils. Ce que Ruskin a vécu au 19ème se répète, de façon très étrange, 150 ans plus tard.

Concernant « L’origine du monde » de Courbet, j’ai entendu sur une radio belge en 2009 une femme parler de l’expo au musée d’Orsay où ce tableau est exposé. Elle disait qu’en plus de ce tableau, il y en avait beaucoup d’autres de femmes nues et épilées. Elle concluait ce qui prouve que l’épilation intégrale était fréquente.
C’est une interprétation totalement erronée de la réalité. Ce qui est absurde dans ce raisonnement, c’est qu’on pourrait aussi en conclure que les femmes dans le passé n’avaient pas de vulve. Il faut donc être très attentif à ne pas tirer de conclusions sur le vécu des femmes occidentales lambda jusqu’au 20ème siècle. Il est avéré que la plupart ne s’épilaient pas, la préoccupation principale des gens n’était pas l’esthétique mais la survie, tout simplement.
Pour les femmes occidentales, il est parfois plus facile de dénoncer les injustices subies par des femmes d’autres cultures. Voici ce que disait la sociologue marocaine Fatema Mernissi en 2001

A Téhéran, si vous ne mettez pas de tchador, un policier vous rappelle à l’ordre. En Occident, la terreur est plus immatérielle. Il suffit de faire circuler des images pour que les femmes s’épuisent à leur ressembler. Tout va bien si vous rentrez dans du 38. Sinon, vous n’êtes pas dans la norme et vous ne pouvez même pas vous révolter. C’est surréaliste, comme type de violence. Les musulmanes jeûnent un mois par an ; les Occidentales, c’est toute l’année !

Ce qu’elle ne dit pas, c’est que pour la PF, c’est pareil. Toutes les images de femmes qui circulent en Occident montrent des corps glabres. Et même si ce n’est pas la police qui intervient en Occident, le contrôle social exercé à l’encontre des femmes « déviantes » ressemble étrangement à ce que vivent les Musulmanes qui refusent la soumission.

Ce qui suit vient d’une étude féministe menée aux USA

Given that body hair may be understood both as a signal of (sexual) maturity, and as a symbol of masculine strength, the requirement for women to remove their hair may thus reflect the socio-cultural equation of femininity with a child-like status, passivity and a dependence on men.
A study by Basow and Braman (1998) offers some contemporary support for the above perspective: they found that college students who viewed a white, female model with visible leg and underarm hair, rated her as more aggressive, active, and strong, than did students who viewed the same model without hair. Basow and Braman speculate that this could be due to an association between hairlessness and femininity; since femininity is not stereotypically associated with strength, activity and aggression.

Traduction : Etant donné que la pilosité peut être vue comme signe de maturité (sexuelle) et comme un symbole de force masculine, l’injonction de rasage pour les femmes peut donc refléter l’équation socio-culturelle de féminité avec un statut d’enfant, la passivité et la dépendance envers les hommes.
Une étude menée par Basow et Braman en 1998 offre un support contemporain à cette perspective : des étudiants universitaires ayant vu une femme avec des poils aux jambes et aux aisselles l’ont trouvée plus agressive, active et forte que des étudiants ayant vu la même femme sans poils. Basow et Braman supposent que cela peut être dû à l’association entre le glabre et la féminité, celle-ci n’étant pas associée avec la force, l’activité et l’agressivité, du point de vue des stéréotypes.

L’ethnologue J Sakoyan expliquait en 2002 l’évolution des mentalités depuis les années 80.

Si l’épilation n’est jamais discutée, ou « problématisée », c’est parce que le glabre constitue une condition nécessaire (mais non suffisante) à la beauté – et par là-même à l’identité – féminine. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu d’évolution dans les mentalités féminines vis à vis de cette pratique. Une esthéticienne de longue expérience nous expliquait qu’aujourd’hui, les femmes s’épilent pour elles-même, alors qu’il y a une vingtaine d’années, l’épilation était davantage vécue comme une contrainte sociale. Peu importe d’expliquer ce changement de tendance par les notions d’habitus, d’hygiène, de cohérence esthétique, ou de plaisir tactile, ce qui nous intéresse ici c’est de la voir à l’œuvre dans l’imagerie féminine. L’actuelle publicité pour les rasoirs Gillette en est un précieux exemple. En effet, on y voit des femmes entièrement glabres, avec le sourire, près de la mer où le bien-être règne. Mais surtout, ces femmes sont entre elles : aucune présence masculine ou extérieure ne perturbe la douce autarcie du groupe ; c’est donc suggérer qu’elles sont épilées pour leur propre plaisir, loin de la civilisation : « pas besoin d’être regardées pour se faire belles et glabres ». Cette publicité est, nous semble-t-il, un bon indice du statut actuel de l’épilation mais aussi de celui de la féminité : désormais, être belle c’est se satisfaire soi-même avant de satisfaire l’autre.
Cette logique de « l’autosuffisance esthétique » pourrait avoir pour assise la maxime énoncée ce mois-ci par la revue féminine Biba : « le sexe fort, c’est nous ! ». Par ailleurs, on peut relever sur cette image que le terme « poils » n’est pas employé explicitement, et, comme dans la plupart des publicités, on lui préfère celui de « peau douce ». Cela indique que l’épilation est autant un acte positif de suppression des poils qu’un acte par défaut qui vise à rendre la peau douce, mais surtout, on saisit à quel point le tabou qui frappe le poil est puissant puisqu’il est à l’œuvre jusque dans le langage.


16. La pression sociale

Voici maintenant des témoignages évoquant clairement la pression sociale. Il s’agit de femmes qui reconnaissent s’épiler à cause de l’entourage, de la famille, des collègues ou pour le compagnon. A noter dans ce dernier cas que certaines pensent faire plaisir à leur homme en se rasant mais sans lui poser la question. Ce non-dit entraîne alors des situations un peu absurdes où les femmes se rasent car elles s’imaginent que les hommes préfèrent et ceux-ci n’osent pas dire qu’ils préfèrent les poils ou que les poils ne les dérangent pas.

En 2008, il y a eu une discussion très intéressante sur un blog féministe, concernant l’épilation laser pour le maillot

Voici l’introduction du sujet intitulé La majorité des femmes qui se lancent dans l’épilation laser commencent par le maillot

Ca veut dire qu’elles le font pour les mecs. Ne me dites pas qu’elles passent leur vie en maillot de bain, je n’y crois pas (et si c’est le cas elles ne sont en effet pas concernées par cette question).
Si elles commencent pas le maillot c’est pour être nickel dans l’intimité.
Donc pas pour elles-mêmes, mais pour les mecs (ou les filles, on s’en fout, la motivation est la même).
Il s’agit de correspondre à l’idée de la femme-objet sexuel, lisse et imberbe de la fesse.
Si j’avais eu moins de sous quand j’ai commencé le laser, je n’aurais fait que les jambes, ou que les aisselles. Pour moi. Pour pouvoir me mettre en jupe ou en débardeur sans réfléchir.
Les maillots j’en porte une semaine par an, ça m’aurait été bien égal de continuer à la cire sur cette zone.
Et dans l’intimité personne ne s’est jamais plaint de ma pilosité.
J’imagine bien que vous allez protester vigoureusement que pas du tout, les poils incarnés et tout et tout.
Ou bien alors vous allez me rétorquer : « et alors ? Quand bien même elles le feraient pour les mecs, où est le problème ? ».
Le problème c’est de se comporter comme un objet fruit du machisme, selon moi (mais je reconnais que ma vision des choses est, dans ce domaine, extrêmement tranchée).
Je n’accuse personne (en dépit des apparences de ce billet un peu rentre-dedans), on n’est pas responsables de ce que la société met en nous. En revanche on est responsable de le perpétuer.
Réfléchissez-y, quand même… souvent on est soi-même l’instrument du sexisme, sans s’en rendre compte.

Mais Hélène, qui tient ce blog, n’échappe pas à la contradiction. Elle se revendique féministe, elle dit que le pubis, c’est pour les hommes que les femmes le rasent mais quand elle parle des aisselles, c’est pour l’hygiène qu’elle les épile et même les hommes doivent se les raser.

Et moi aussi un mec qui utilise la tondeuse bikini pour le maillot, et qui se rase les aisselles, je trouve que c’est le minimum syndical sinon c’est crade.

A noter le terme très péjoratif de crade. L’hygiène revient souvent dans les motivations des gens. Or, c’est la peau qui fait qu’on sent, pas les poils. Si on se lave tous les jours et qu’on utilise du déo ou la pierre d’alun (produit naturel à 5€, dure 18 mois), avec ou sans poils, on ne sent pas. J’ai déjà croisé des femmes parfaitement épilées mais qui dégageaient une odeur de transpiration très forte. Comme exemple, on peut citer les pieds qui sont rarement poilus et qui dégagent parfois des odeurs nauséabondes. On peut aussi dire à ceux qui s’épilent que s’ils étaient logiques avec eux-mêmes, ils ne devraient plus se laver puisque pour eux, la source de l’odeur, c’est les poils.

Il y a eu plus de 300 réponses à ce billet, j’en poste quelques-unes, très révélatrices.

Là où je me sens objet c’est quand je fais les mollets sous la pression sociale. C’est vrai que le maillot je le fais pour z’hom mais lui se rase bien avant d’aller au lit (ça pique !).

je ne sais pas si on se comporte comme un objet du machisme…je crois qu’on l’a tout bonnement intériorisé, ce machisme, ce regard des hommes et qu’on ne se perçoit même plus comme victime.

L’imberbitude (excusez moi, mais à l’aube comme ça, je m’autorise à inventer des mots) m’ennuie, car je n’arrive pas à la voir comme autre chose qu’un fantasme masculin (finalement, comme souvent, adopté par les femmes) qui lie la féminité à l’enfance, à l’immaturité, à la fragilité.
Pourtant, je ne peux m’empêcher d’espérer avoir bientôt devant moi l’aisance financière qui me permettra de me débarasser plus durablement d’une partie de mon système pileux, faut croire que c’est ancré trop profond pour être déboulonné par de vulgaires convictions.

je dirais que du moment que tu t’epiles tu le fait pour répondre à un critère de société, ou le poil est bani, ou il est inesthétique (seulement chez la femme d’ailleurs)

Ben oui, les jambes, les aisselles, c’est pour nous !!! : des jambes impec pour moi, ça compte !!! Une aisselle joliement épilée aussi, PAR CONTRE c’est vrai que le maillot c’est plus pour mon homme !!!

la traque du poil du maillot comme la lutte contre le poil de la gambette traduit une même conformation à une norme sociale. Masculine.

les poils c’est un truc intime et même sexuel j’ai pas envie de les montrer à la piscine et autres endroits de genre, c’est l’épilation laser.
et je suis pas sure que les mecs y accordent autant d’importance que nous finalement.
Moi c’est le coté sexuel et animal du poil qui me dégoute. Perso les gens qui s’épilent pas, ou au minimum élaguent pas un peu ça me répugne même chez les mecs.

si j’avais une zone à laserifier ce serait le maillot et rien à voir avec un homme, juste que j’aime pas quand c’est pas « propre »

Un homme qui demande quoi que ce soit à sa femme (maigrir, poils, autres), il n’aime pas vraiment sa femme, j’en suis sûre.
Une femme qui maigrit, poil de là ou autre pour son homme, elle pense que son homme ne l’aime peut-être pas de façon très inconditionnelle, et que si elle ne le faisait pas, elle le perdrait peut-être. Je trouve ça bien triste, mais tout le monde n’a pas la chance d’être aimée de façon inconditionnelle. Alors, pour garder le belâtre, elles font la belle. L’amour, parfois, peut faire un peu ramper…et oui !

La traque du poil où qu’il soit c’est une reponse à une pression sociale liée à la séduction. Si il n’y avait que des nana sur terre et qu’on avait aucun besoin de se séduire les unes les autres, on aurait sans doute encore toutes les jambes poilues.
Je reconnais volontié que la dépoilification du SIF c’est effectivement vis à vis du regard masculin. Mais si j’y reflechi j’assume parfaitement, je m’explique. Je suis assez assumée au quotidien en tant que femme qui refuse d’être un objet de machisme pour justement, accepter cette « soumission » là sans être transformée illico en poupée gonflable.

Les poils des jambes, je le fais surtout pour mon mec (parce que l’hiver, c’est clair, j’en ai rien à battre d’avoir du poil aux pattes mais si lui me caresse les jambes, j’ai un peu l’impression d’être un travelo)
En revanche, le maillot, je le fais pour moi parce que les poils à cet endroit, je trouve ça un peu crade et excusez l’expression, un peu « ramasse miette »; Bien sur, je ne vais pas mentir, mon homme ne s’en plaint pas non plus.

on est pas responsables de ce que la société met en nous. Et on le perpetue presque contre notre gré, parce que c’est difficile et fatiguant d’etre ‘hors norme’. Et qu’on veut just etre tranquilles, heureuses avec nos moitiés respectives.

Mon obsession à moi ce sont les aisselles et les mollets. Cela étant, je trouve que c’est quand même sous le poids d’une influence culturelle. Mais ce n’est pas que pour les mecs, parce que, je me répète, le poil n’est pas un anti flirt. Mais le regard des filles sur mes dessous de bras… ça c’est un impératif ultra puissant. Irrésistible.

Complètement d’accord avec l’analyse de la pression sociale, mais autant je l’emm…, la pression sociale, pour tout un tas de trucs (je ne fais pas de couleur, je me coupe les cheveux toute seule, je ne suis pas la mode même si j’adore me tenir au courant, je ne ferais pas d’injections d’acide machin-truc, et je n’évoque ici que ce qui concerne l’apparence), autant pour les poils, j’y arrive pas.

Perso je m’inscris dans la même pensée que celles qui ne voient pas le problème. Pour moi l’épilation (de quoi que ce soit) dérive avant tout et au départ de l’envie de rentrer dans une vision sociale au départ masculine de la femme.
Après, chacune a sa propre motivation et s’est réapproprié le schème social dans son propre imaginaire (phobie des poils, envie de ne plus avoir de repousse qui grââââtte, envie d’être débarrasée une fois pour toute etc etc). Je pense pour ma part que les femmes qui le font pour leur mec sont très minoritaires.

Qu’il s’agisse de l’épilation (maillot ou ailleurs), du maquillage, des fringues ou d’autres choses de ce genre, je crois que nous ne sommes pas entièrement maitres(ses) de nos decisions. Le « je le fais pour moi » n’est rien de plus qu’un bien joli concept marketing et inconsciemment, nous tombons toutes dans le panneau. Féministes ou pas, regard du mâle ou pas. Au final, si nous refusons la « hérisson-attitude » c’est pour nous sentir bien…parce que nous le valons bien… non?

Le machisme, il est depuis très longtemps intégré par les femmes, et tellement bien que nous le défendons en croyant défendre notre liberté (de s’épiler comme on veut, mais de s’épiler quand même, de s’habiller comme on veut, mais de mettre des talons pour avoir l’air d’une fille, etc…)
Le machisme a su imposer des codes de féminité contraignants, mettre des talons, une jupe, des bas, de la lingerie, s’épiler, se maquiller, se coiffer, se teindre les cheveux, se les lisser, se les boucler, surveiller son langage, maigrir, bronzer, être à la mode, avoir des seins parfaits, des jambes parfaites, des fesses parfaites, chasser la cellulite etc…, et je ne parle que de physique.
Au moins, quand on s’occupe de se conformer à ces codes, on ne réfléchit pas à autre chose. Même quand on essaie de s’affranchir de ces diktats, on ne pense toujours pas à autre chose !
La subtilité vient que ces codes sont tellement bien présentés depuis tellement longtemps (et pas uniquement par la pub) que nous avons fini par intégrer qu’être féminine c’est accepter de se torturer le corps en portant des talons, tirant sur une jupe, brulant sa peau, ses cheveux avec des produits divers et variés, etc… Et on est tout à fait persuadées d’être libre dans ses choix

Pourquoi serions-nous tellement semblables au point de toutes se sentir en confiance au lit en jolie lingerie, et épilée ? Pourquoi sinon parce que nous collons à l’image de féminité construit par les hommes ?
Je ne viens pas faire une leçon de morale, moi aussi, je dépense mon temps et mon argent dans pas mal de machins…
Evidemment que certaines arrivent à être « féminines » et à faire également de grandes choses intellectuelles, évidemment que nous ne sommes pas des oies sans cervelles, sauf que vous vous êtes déjà demandées, si toutes les femmes faisaient autre chose de leur temps que « d’être une femme » ? Tout ce temps et tout cet argent qui ne demande qu’à être réutilisé ? Qu’en ferait-on, toutes ?

quand vous dites que vous vous épilez « parce-que on trouve ça plus joli » ça pose quand même la question de l’empreinte de la société, car à force de voir des femmes épilées, on imprime plus ou moins inconsciemment cette image.

j’aurais tendance à penser qu’à partir du moment où on se lance dans l’épilation tout court, quelle que soit la zone, quelle que soit la méthode, on le fait pour répondre à un impératif social et culturel.
Non ? et pourtant, combien de femmes profitent de l’hiver pour ne pas s’épiler ou le faire moins souvent ? (avouez !!!)
J’ai pour ma part reçu les gènes de ma mère en matière de pilosité (plutôt que ceux de mon père, quelle joie !) ce qui fait que mes jambes et mes bras sont quasi dénués de poils, le peu qui se promènent étant très clairs, je n’ai jamais eu à me préoccuper d’épilation.
Me reste les aisselles et le maillot. Que je rase pour les aisselles et ôte ce qui dépasse pour le maillot, en été bien-sûr. (Le reste du temps je n’y touche pas : c’est comme pour la poussière, ce qui ne se voit pas n’existe pas !)
Et bien si je le fais, ce n’est pas du tout pour mon confort personnel (je transpire davantage en l’absence de poils, et l’odeur est plus forte aussi), ni pour le regard de mon homme (il s’en fiche, il me connait toute l’année) mais bel et bien pour le regard des autres femmes.
J’en reviens à ton billet : l’épilation, fruit du machisme, peut-être, mais je suis convaincue que ce sont les femmes elles-mêmes qui perpétuent la chose en se montrant en la matière juges impitoyables et bien plus cruels que les hommes !

Mais le réflexe social et culturel de s’épiler les jambes et les aisselles est aussi un réflexe machiste, celui de partir d’une principe qu’une « vraie femme » est lisse et toujours soignée. J’imagine que d’une part, ça aide bien à marquer les différences (les hommes et les femmes ne peuvent pas être égaux, regardez comme ce sont de petites choses fragiles !), que d’autre part c’est comme beaucoup de choses le temps qu’elles passeront à penser à ça, elles ne le passeront pas à prendre le pouvoir sur la société, et qu’enfin ça contribue à détruire l’estime de soi des femmes. Comment se sentir bien si on est élevées dans l’idée qu’au naturel (sans épilation, sans maquillage et autres artifices), on est râtées ?

Les quatre derniers témoignages sont d’une rare lucidité et de la part de femmes, ils ont encore plus de poids. Le problème d’hygiène est ici l’inverse de ce qu’on entend d’habitude : c’est sans poils que l’odeur et la transpiration sont plus fortes, plusieurs femmes me l’ont confirmé.

A ce propos, il y avait une ineptie de plus sur wikipedia à la page épilation : L’épilation des aisselles est censée éviter les mauvaises odeurs.

Mais maintenant, on lit ceci

L’épilation des aisselles ne limite pas les mauvaises odeurs mais donne un aspect jugé plus esthétique par certaines sociétés à cette partie du corps

Toujours sur le blog d’Hélène, un commentaire humoristique datant de 2006 qui démontre bien que la pression sociale est permanente et qu’elle pousse à vouloir épiler au laser

Effectivement, je serais aussi prete a donner un mois de salaire pour pouvoir :
– porter des jupes sans me demander si j’ai le temps de me raser les jambes avant de partir au boulot.
– accepter gracieusement de faire trempette sans me dire « et m… je peux pas, je suis pas epilee »
– ne plus voir mes poils repousser (sous la peau ou pas)
– ne plus voir mes poils tout court, d’ailleurs…
– ne plus faire de boutons et/ ou points noirs quand j’ai des poils qui repoussent
– ne plus serrer les dents chez l’estheticienne (bon, d’accord, je n’y vais pas souvent, mais quand même)
– ne plus me dire « Et m…, j’ai oublie de m’epiler la moustache », en courant attrapper mon métro.

La pression sociale est exercée par les autres femmes, un peu comme en Iran, où ce sont les femmes qui ne supportent pas de voir une femme non-voilée. Si elles ont l’obligation de se voiler, elles toléreront moins la « déviante ». Mais dans les deux cas (poils et voile), ce sont les hommes qui ont imposé la norme !
Le fait que pendant qu’on s’épile, on ne pense pas à prendre le pouvoir, c’est pour moi une évidence. Tout le temps passé à se « faire belle » (lisez se conformer aux diktats patriarcaux) se fait au détriment de l’émancipation. C’est donc bien un enjeu féministe.

L’ethnologue J Sakoyan parle d’un dermato

A ce sujet, ce médecin m’a confié que ses patientes pleuraient au sujet de leurs poils, mais pas de leurs rides. Ce constat est on ne peut plus pertinent car il pose la question de savoir ce qui se joue en plus avec les poils qu’avec les marques de vieillesse.

Je trouve ça tellement pathétique car c’est la preuve du rejet social de la PF. Les femmes voudraient aussi se débarrasser de leurs rides mais certaines s’accommodent très bien des leurs. Par contre, pour les poils, certaines en pleurent. A part ça, les femmes sont libres de s’épiler ou pas.

Voici ce que dit Gérard Zwang sur la pression sociale

Mais même lorsqu’elles sont pratiquées sur initiative personnelle, elles demeurent des manifestations typiques de culpabilisation et de répression de la sexualité adulte, érotique et comportementale. On verra d’ailleurs que, comme les mutilations, les brimades s’en prennent surtout aux femmes dont l’expression de la sexualité non-reproductrice a toujours été la plus réprimée en société phallocratique, misogyne et tout spécialement monothéiste.

Voici un extrait du site secondsexe.com

Car on ne choisit pas vraiment d’avoir du poil ou de ne pas en avoir. C’est la règle. C’est comme manger avec une fourchette et non avec ses doigts. On est civilisé ou on ne l’est pas. Les femmes qui portent le poil sont montrées du doigt par les autres, celles qui n’en n’ont plus, qui sont rentrées dans la norme.

Lors d’une émission de la RTBF (radio publique belge) en avril 2008, la sexologue Françoise Louis Morin expliquait recevoir en consultation des couples pour qui l’épilation est une source de conflit, l’homme se plaint que sa femme ne veut pas se raser le pubis. C’est un phénomène relativement récent.

Dans une autre émission radio de la RTBF en février 2010 où il était question d’épilation, la journaliste Martine Cornil citait des auditrices qui envoyaient des mails en direct

Dans les messages qui arrivent des femmes, il y a quand même « on n’a pas envie », c’est quand même fort, « on n’a pas envie, s’il n’y avait pas ce regard de l’autre, on ne s’épilerait pas ».

En 2006, la journaliste australienne Ruth Ostrow disait ceci sur les motivations qui poussent les femmes de son pays à s’épiler.

My empirical research nets the following explanation: about 25 per cent do it to please themselves.
About 25 per cent don’t care either way but are following fashion, peer pressure or conditioning.
The other 50 per cent of women I talk to are – as one would expect – influenced by the desires of their men.

Traduction : mes recherches empiriques fournissent l’explication suivante.
Environ 25% des femmes s’épilent pour elles-mêmes.
Environ 25% s’en moquent mais suivent la mode, la pression sociale ou le conditionnement.
Les 50% restants, comme on pouvait le prévoir, sont influencées par les désirs de leur compagnon.

Il faut savoir qu’en Australie, il y avait pas mal d’artistes qui ne s’épilaient pas mais c’était dans les années 1990. C’est finalement devenu un endroit pilophobe, comme les autres pays occidentaux.

Le témoignage suivant vient du forum des CdG en 2006, il illustre les conséquences dommageables de l’exposition de la PF en public

Je ne souffre pas d’hirsutisme : je n’ai de poils que là où toutes les femmes en ont, mais les miens sont d’une résistance et d’une santé exceptionnelle : et cette santé est une « honte », une « horreur », une « insulte » aux yeux d’autrui.
Essayez donc de vous promener jambes et épaules nues non épilées, avec une ombre sur la lèvre supérieure : dans les yeux des autres, vous êtes un monstre ! Même élephantman recevrait plus de compassion !
PS : j’ai renoncé aux plages et piscine alors que je nage comme une sirène
C’est facile de dire qu’on se fout du regard d’autrui, c’est moins facile de s’en foutre réellement quand tout le monde exprime son dégout et refuse de vous cotoyer, vous rejette littéralement comme un monstre.
En ville, habillée, j’attire la sympathie et l’amitié : sur la plage, je suis seule, isolée et méprisée.

En fait, elle est allergique à plusieurs produits, ce qui provoque ses problèmes de peau. Après ça, on ne peut plus dire « s’épiler ou pas, chacun-e est libre ».

Les témoignages suivants montrent que la pression sociale conditionne le quotidien dans ses actes anodins et qu’elle entrave la liberté de mouvement de certaines femmes.

Posté en 2007 sur le forum de « Psychologies Magazine »

Du coup, quand les enfants expriment leur envie d’aller à la piscine, c’est la panique, car il est HORS de question de montrer ma pilosité au niveau des jambes, et surtout en haut des cuisses… Du coup, j’en ai pour minimum 1/2 heure de boulot, et ça refroidit bien un enthousiasme déjà tiède.. Parce que se mouiller en plein hiver, j’ai du mal!!

Posté en 2006 sur le forum de Simplicité volontaire

un truc bete mais j’ai une hantise: je me balade en petit chaussures a talon,petit sac a main ,petit pantalon elegant, je marche comme une princesse, jambes poilues…. et je trebuche.Je me casse le tibia.  les beaux pompiers viennent me chercher et me decoupe le pantalon……..c’est con comme idée.

Il est fréquent sur les forums de lire des commentaires de femmes disant qu’elles craignent d’être emmenées aux urgences et qu’un médecin ou un pompier puisse voir que leurs jambes/aisselles ne sont pas nickel. Alors que les médecins sont surtout dérangés par le manque d’hygiène des gens aux urgences, pas par leurs poils. Ça en dit long sur le traumatisme profond qui fait imaginer des scénarios qui n’arriveront peut-être jamais. Du coup, certaines s’épilent tout le temps, pour le cas improbable où quelqu’un pourrait les voir un peu déshabillées, sans qu’elles aient eu le temps de se conformer au standard de la peau lisse. Ou comment se mettre la pression pour rien.

En 2000, des Français ont été pris en otage à Jolo. Témoignage après la libération :

Renouer avec une identité « normale » pour redevenir « de vraies filles » fut d’ailleurs l’impression des femmes otages sur l’île de Jolo, aux Philippines, après une séance d’épilation collective lors de leur libération, comme en témoigne Marie Moarbès (1).

1- In « Mon père m’attendait à Manille » (Laffont, 2001). »

Je pense que la prise d’otages avait duré 30 jours. L’une d’elles avait dit ceci « Ah, ça a été dur ! On n’avait pas de rasoir, on ne pouvait même pas se raser les jambes ! »
Ça situe le niveau de priorité de certaines femmes : elles ont été privées de nourriture, menacées de mort mais le plus dur, c’est l’absence de rasoir pour les jambes. Pincez-moi, je rêve.

Dans le même ordre d’idée, Maud Fontenoy était interrogée il y a quelques années sur les détails pratiques de la navigation en solitaire.

Comme réponse, on a eu droit à une pub pour l’industrie cosmétique, elle expliquait avoir un shampooing spécial car fait pour l’eau de mer, elle disait utiliser du déodorant, elle se peignait et s’épilait les jambes : je suis très « fille », même en mer.
On remarquera que pour elle, être « fille », c’est modifier son corps comme pour séduire alors qu’elle est seule. Si ce n’est pas du conditionnement, ça y ressemble. Je ne dis pas qu’elle doit négliger l’hygiène mais il me semble qu’il y a d’autres priorités. Elle venait de dire que pour gagner du poids, on rabotait même le manche de la brosse à dents mais elle n’a pas oublié de prendre un rasoir ! C’est à ce genre de détails qu’on se rend compte de la profondeur de l’inscription en chaque femme, stipulant qu’il est impératif de s’enlever les poils, peu importe les circonstances.

On en arrive à des situations extrêmes, une dame d’origine portugaise a été interpellée par mes propos en 2007 sur un forum et j’ai communiqué par mail avec elle car sa fille ado a fait une tentative de suicide à cause de ses poils ! Elle fait du sport au niveau national et ne supportait plus d’avoir à s’épiler tout le temps pour être « parfaite ». Elle voulait comprendre ce qui peut amener une jeune fille aujourd’hui à en arriver à de telles extrémités rien que pour des poils.

Le témoignage suivant date de mars 2004, il a été posté sur le forum doctissimo, la fin de ce témoignage est déjà cité dans le chapitre sur la sexualité. Il montre bien qu’une ado peut en arriver à se croire anormale, tellement la pression est forte et les remarques blessantes nombreuses et insistantes.

Quand j’étais ado, j’avais une copine qui était si complexée par les poils de ses bras (c’était une pilosité normale), qu’elle refusait de se mettre en tee-shirt parce que les mecs de la classe(oui les mecs, pas les filles!) lui disaient que ce n’était pas une fille parce qu’elle avait du duvet sur les bras, elle a fini par faire une dépression à cause de cela, et est devenue dysmorphophobe (elle croyait que son corps ne fonctionnait pas normalement)!!! Elle est allée voir je ne sais combien de médecins (gynéco-endocrino…) pour savoir s’il était normal d’avoir quelques poils sur les bras pour une fille, et tous lui disaient que non seulement que c’était normal, mais que sa pilosité était vraiment peu développée! Malgré tout cela, elle est restée traumatisée, et n’a pas pu inclure ses poils dans son intégrité féminine, jusqu’à ce qu’un psychologue lui explique que le refus des poils chez la femme de la part des hommes correspond à une peur inconsciente de la femme et de la mère.

Il y a aussi des mises en situation qui démontrent le poids du regard des autres.

Danielle Lloyd, une mannequin née en 1983 qui a été miss Grande-Bretagne en 2004 a participé à une caméra cachée, en 2007. On lui a demandé d’apparaître pendant une journée avec des poils postiches aux aisselles, dans un club de gym, entre autres. Il y a 2 vidéos sur Youtube où on la voit se faire coller des poils et ensuite, aller dans le club.

Voici comment on en parlait sur un blog, en 2007

Danielle Lloyd is a lingerie model and reality TV star in the UK. She was on Celebrity Big Brother where the 23-year-old showed everyone what a racist twat she was. Well, anyway Danielle allowed a make-up artist to give her hairy pits for Channel Five’s « My Bloody Hell. »

Danielle had to go to the gym and out to bars to feel the embarrassment of having hairy pits. Give me a fucking break.

She said, «I felt so ashamed when I went to the gym for a work-out with all those men watching me. It was worse than I possibly thought it could be. I just wanted to go home and get rid of it.»

«It’s been so embarrassing. I’ll remember this day for the rest of my life. I never want to see hair under my armpits again! I felt like a man.»

Traduction partielle : je me suis sentie tellement honteuse en allant à la gym car il y avait le regard de ces hommes. C’était pire que ce que j’imaginais. Je voulais rentrer chez moi et me débarrasser des poils. C’était tellement dérangeant. Je me souviendrai de ce moment pour le restant de mes jours. Je ne veux plus jamais voir de poils sous mes aisselles ! Je me sentais comme un homme. Dans la vidéo, elle dit aussi ceci : C’est probablement l’une des choses les plus épouvantables à vivre.

Dans ce genre de club, les hommes sont souvent épilés. Est-ce pour ça qu’ils se sentent féminins ? Sa remarque sur le fait de se sentir un homme montre bien le lavage de cerveau. Je retiens surtout la honte qu’elle dit avoir ressentie et le fait qu’elle se souviendra toute sa vie de ce jour, cela en dit long sur la détestation de son propre corps. A noter qu’il a fallu lui coller des poils postiches, on aurait pu lui demander de les laisser pousser mais je crois qu’elle aurait trouvé ça encore plus horrible. J’ignore si les vidéos sont toujours disponibles, on y entendait également quelques commentaires peu flatteurs sur les poils, venant d’hommes du club de gym. En voici un que je traduis

Normalement, nous aimons les femmes rasées, belles, propres (clean). Les poils, ça fait penser à un homme donc pour moi, ça fait peur (it’s scary)

La non-épilation pousse certaines femmes à se justifier de ne pas être « impeccables ». En 2009, dans l’émission de Laurent Ruquier sur Europe1, il était question de pilosité et Christine Bravo disait « pour le moment, je suis en mode yeti », en s’excusant de ne pas être épilée. Je lui ai écrit pour m’étonner qu’elle se juge de ne pas être épilée car a-t-on déjà entendu une femme qui s’épile dire « je suis en mode fillette prépubère » ? CB est pourtant féministe et très combative concernant le corps des femmes et les injonctions qu’elles subissent pour qu’il soit au « goût » des hommes. Une preuve de plus que pour la PF, on se soumet.

Une femme travaillant comme accueillante familiale me parlait d’une jeune femme handicapée mentale dont elle s’occupe. Sa famille a demandé qu’elle épile la jeune femme avant son départ à la mer. Finalement, celle-ci avait un épilateur et a épilé elle-même ses mollets. Puis, elle est revenue de vacances et devait repartir, elle a demandé qu’on lui épile les aisselles car elle trouvait ça moche.
L’accueillante disait ceci : Sur le document de préparation du séjour, il était précisé de procéder aux soins esthétiques (coiffeur et épilation) avant le départ. Il s’agit d’un organisme spécialisé pour les handicapés.

Je trouve ahurissant qu’on précise ce genre de choses. A part le fait que les gens doivent être propres, je ne vois pas pourquoi on doit épiler les handicapées (je suppose que seules les femmes sont concernées). La pilophobie se cache là où on ne l’imagine même pas.

Pour d’autres témoignages sur la pression sociale, voir mon sujet sur le forum de MIEL


18. La PF et les autres diktats du corps

Depuis plus de 10 ans que je m’intéresse à la PF, j’ai évidemment lu des tas d’articles sur les autres diktats, je pense à la minceur et au jeunisme. Souvent d’ailleurs, des contradicteurs peu informés de la réalité concernant la PF expliquée sur cette page me disent qu’au fond, c’est pareil, les femmes sont obligées d’être minces et de paraître jeunes. Sous-entendu que la pression sociale sur la PF n’est pas quelque chose de particulier.
Mes recherches m’ont permis de prouver le contraire.
Tout d’abord, comme je l’ai déjà dit, il y a l’absence criante d’ouvrages consacrés à la PF. Alors que des livres sur les dangers de l’obésité, de l’anorexie, ça pullule. Ces deux thèmes sont d’ailleurs régulièrement dans les débats médiatiques. Dans les pubs pour des produits alimentaires en France, il y a toujours un bandeau en bas de l’écran mettant en garde les consommateurs afin d’éviter les excès de salé, sucré et gras. Dans les magazines, des « spécialistes » expliquent qu’il ne faut pas tomber dans l’extrême inverse en devenant anorexique. Les mannequins squelettiques sont régulièrement stigmatisées.
Pour le bronzage, c’est pareil. Chaque fois que ce sujet est évoqué, on est mis en garde contre les dangers d’une exposition trop longue au soleil, par les dermatologues, entre autres. Ces mêmes médecins sont par contre quasi muets concernant les inconvénients liés à l’épilation, j’y consacre d’ailleurs un chapitre. Il faut dire que certains font fortune avec le laser. Ceci expliquant peut-être cela ?
Il y a même de temps en temps des « rondes » en 1ère page d’un magazine, voir Marianne James en 2009 dans Gala. Ou le magazine « Elle » d’avril 2010, entièrement consacré aux « rondes », dont une femme à la taille 48 en couverture. Par contre, ni en première page, ni en page intérieure de la presse dite « féminine », on ne voit de PF. Malgré qu’on soit bombardé d’images de femmes minces ou maigres, on voit des femmes dans les médias qui n’ont pas peur de montrer leurs formes : Laurence Boccolini, Maurane, Michèle Bernier, Beth Ditto, je croise aussi dans la rue beaucoup de femmes qui ont une taille plus proche du 50 que du 36 ainsi que des femmes pas maquillées alors que le maquillage est une norme de « beauté » également.

De plus, les revues dites «féminines» abordent l’épilation à sens unique : en disant « comment s’épiler ». Or, la bonne question est « faut-il s’épiler ». Quand on sait que plus de la moitié des femmes avec qui j’en ai parlé et qui s’épilent le font uniquement à cause de la pression sociale, il y a de quoi se poser des questions mais les firmes de cosmétique faisant de la pub dans ces revues, ce serait se tirer une balle dans le pied de remettre en cause cette pratique. Du coup, on omet souvent la longue liste des inconvénients.

Concernant le fait de paraître « belle », il y a un tout un arsenal d’actions à mener par les femmes. Se maquiller, se peigner, se mettre du vernis à ongles, du rouge à lèvres, etc. Si vous êtes attentifs, vous constaterez que ces actions ne sont pas sources de souffrance physique. Pourtant, tout le monde connaît le slogan « il faut souffrir pour être belle ». Par contre, l’épilation est une souffrance physique mais là encore, très peu de fanas de l’épilation en parlent, voilà encore un argument démontrant clairement la différence entre le diktat du glabre et les autres diktats.

Je n’ai de cesse sur les forums de démonter un par un les arguments fallacieux de ceux qui veulent minimiser le diktat de la peau lisse. Et ça énerve ceux qui refusent de se remettre en question. Je n’ai rien à gagner à faire changer d’avis les gens. Ne pas s’épiler, ça ne rapporte rien. Je ne suis pas concerné financièrement parlant, contrairement à l’industrie cosmétique, aux esthéticiennes, dermatologues, je suis donc tout à fait libre pour tenir ce discours. En réalité, la seule chose acceptable, c’est l’épilation pour des raisons esthétiques (et médicales ou professionnelles évidemment) mais même pour l’esthétique, on peut se demander si l’influence des images n’est pas à l’origine de ce goût immodéré pour les corps glabres.

Comme je l’évoquais dans le chapitre sur la sexualité, un corps mince, glabre et une chevelure blonde renvoie à l’enfant.
Peu de gens le savent et pourtant, ne dit-on pas « nos chères têtes blondes » en parlant des enfants ? Ce qui veut bien dire qu’on associe la blondeur à l’enfant.
Beaucoup de femmes se teignent les cheveux dès qu’elles en ont des blancs et même avant d’en avoir, beaucoup se teignent en blondes. Pourquoi ? Ce n’est pas nouveau, en fait. C’est une obsession millénaire, il y a eu un excellent documentaire sur Arte à ce propos en 2006, expliquant tout simplement que le blond=l’enfant car beaucoup d’enfants naissent blonds et changent de couleur à l’adolescence. Il y a deux mille ans, les Romaines faisaient venir des cheveux des femmes du Nord afin de porter des perruques blondes et ainsi paraître plus jeunes. Et on retombe sur l’imagerie « femme=enfant ». On disait dans le docu qu’en Autriche, environ 40% des enfants naissent blonds mais à l’âge adulte, il n’y a plus que 12% de blonds.
Laetitia Casta a dû se teindre en blonde pour un rôle. Résultat : les voitures s’arrêtaient dans la rue pour la laisser traverser, tout le temps qu’elle était blonde ! Alors que d’habitude, les gens ne s’arrêtent pas. C’est un effet inattendu de la teinture.

D’après Martin Monestier (auteur du livre « Les poils, histoires et bizarreries », édition Cherche-midi, 2002) qui cite Loréal, il y aurait en France 50% de gens châtain, 10% de blond, 10% de noir, 5% de roux, 2,5% de brun foncé et 22,5 de gris ou blanc. On voit donc que pour les cheveux très clairs, il n’y a que 15% de la population (roux ou blond).
Mais j’ai déjà lu qu’environ 30 à 40 % des non-blondes en France se teignent en blond ! Plus les 10% de vraies blondes, ça fait que presque une femme sur deux est « blonde » !
Mais si vous posez la question à ces femmes, pratiquement aucune n’évoquera le fait qu’elles paraissent plus jeunes, elles ont aussi intériorisé la norme et diront que c’est « à la mode », « plus joli », etc.
Les cheveux étant des poils, on voit le lien avec la PF. Les poils sexuels sont bien souvent foncés, se teindre en blonde permet une fois de plus de se distancier des signes de maturité sexuelle.
La langue française est subtile car elle distingue poil et cheveu. Mais dans les langues anglo-saxonnes, le mot est le même : haar en flamand et allemand, hair en anglais, etc. Les Anglophones spécifient d’ailleurs « body hair » (poil du corps) ou « head hair » (poil sur la tête) pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, cela prouve que les cheveux sont bien des poils.