La place de la PF dans les médias

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7. La PF dans les médias (hors cinéma)

Il y a un chapitre spécialement consacré au cinéma car c’est le premier média ayant diffusé des images à grande échelle et il a un rôle non négligeable dans la pilophobie actuelle.
Quels sont les autres médias ? Dans l’ordre chronologique d’arrivée, on peut citer les pubs dans la rue, les magazines féminins, la radio, la télé, Internet et très récemment, les téléphones portables.
Comme je l’ai déjà dit, la première pub pour un rasoir montrant une femme aux aisselles lisses remonte à 1915, aux USA. Je ne sais pas de quand date la première en Europe, sans doute dans les années 20 ou 30, étant donné qu’au cinéma en 1936, il y avait déjà des pubs incitant les femmes à enlever « les poils disgracieux ».

Les premiers magazines féminins datent des années 1930, j’ignore si les femmes représentées montraient jambes et aisselles et dans ce cas, si elles étaient rasées. Si quelqu’un a des références, ce serait sympa de me les communiquer. Il est clair que depuis les années 1960, toutes les femmes qu’on voit dans ces revues sont lisses.

La radio a pris son essor avant la WW2, il y avait peut-être également des spots de pubs pour les rasoirs. Là encore, si quelqu’un a une référence, merci de me le signaler. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment la radio devient un instrument de manipulation pilophobe. J’ai eu l’occasion d’écouter des radios libres de 2005 à 2007, le soir, dans des émissions selon le principe de « la libre antenne ». C’est-à-dire que les auditeurs appellent pour parler d’un problème et l’animateur, ses collaborateurs et les autres auditeurs en discutent.
Les radios concernées étaient FunRadio, NRJ, Skyrock. Je précise que je les écoutais parfois dans les années 90 et le thème de l’épilation n’était jamais abordé.

Voici le compte-rendu d’une séquence d’une émission sur NRJ, un soir de 2006.
Un gars d’une vingtaine d’années (A1)téléphone pour se plaindre de « l’énorme touffe » (sic) de sa copine et demande comment faire pour la convaincre de s’épiler.
L’animateur principal qui s’appelle Michaël a 24 ans (M), il y a 2 autres animateurs et une animatrice. Je les appellerai NRJG ou NRJF (pour la fille). D’autres auditeurs (A2,A3) appellent ainsi qu’une fille (AF)

A1 : j’ai un problème, ma copine a une énorme touffe entre les cuisses, je trouve ça moche mais je l’aime et je tiens à elle
M : tu n’en as jamais parlé ?
A1 : non, je ne sais pas comment lui dire qu’elle devrait s’épiler sans la vexer
M : dis-lui que tu préfères quand c’est lisse, c’est surtout plus propre
NRJF : ça va pas non, ne lui dis surtout pas ça car elle va croire que maintenant, elle est sale
M : ouais m’enfin, c’est tout de même mieux
NRJF : ce n’est pas une raison pour dire que c’est plus hygiénique
NRJG : ouais mais moi, je me taille les poils du pubis, sinon, ça ressemble à une jungle et c’est plus propre
A2 : salut à tous, il n’a qu’à faire un jeu érotique en bandant les yeux à sa copine et en prenant une tondeuse
M : oui, c’est génial comme idée
NRJF : mais vous êtes dingues, elle va s’en rendre compte
NRJG : non, je trouve ça génial
A1 : ouais mais elle va entendre le bruit de la tondeuse, ça va pas le faire
NRJF : elle va surtout se rendre compte que tu lui coupes quelque chose et ça peut faire mal
AF : salut, j’ai 22 ans et je n’ai que le ticket de métro, si ta copine t’aime, elle devrait le faire par amour pour toi
M : ouais, c’est vrai ça, elle peut bien faire ça pour toi
A2 : j’ai dit ça à plein de meufs et elles se sont toutes épilées pour moi, je trouve ça plus propre
A3 : vous avez vu sur RTL9, ils passent des trucs pourris avec des femmes pleines de poils (« la série rose »)
M : ouais c’est horrible mais bon, c’était à la mode dans les années 80
A2 : c’est quand mieux sans poils, c’est plus propre et plus érotique
M : ouais, moi je préfère le ticket de métro ou carrément, l’intégral. Tu te rends compte, tu tombes sur une fille super jolie, tu te retrouves au lit et là, tu vois qu’elle ne s’épile pas, ça me bloquerait complètement

Conclusion, l’auditeur allait essayer de le dire à sa copine de façon diplomatique.

Cela peut sembler anodin comme discussion mais si l’on regarde de plus près, on a droit à tous les clichés et on parle bien peu de la principale intéressée qui n’a peut-être pas du tout envie de s’épiler le pubis. C’est ça le plus terrible : au lieu de dire « es-tu sûr qu’elle a envie de le faire », on ne fait que lui conseiller plein de méthodes, dont certaines sont débiles.
On notera le fait que le gars dit l’aimer mais que ferait-il pour sa copine ? Arrêter de passer des heures sur sa console de jeu au lieu d’être avec elle ? Voir moins ses copains relous ? C’est à sens unique la plupart du temps, le gars débarque avec ses exigences (je veux que tu sois blonde, que tu aies des gros seins, que tu t’épiles, que tu sois mince) et « par amour », la fille n’a qu’à se plier. Pincez-moi, je rêve.

L’argument hygiène revient bien sûr et à part l’animatrice qui rouspète, les garçons ont l’air de trouver que oui, c’est plus propre.
Il paraît que les poils étaient « à la mode » dans les années 80, ils oublient que dans nos contrées, ça fait des millénaires que les femmes ont des poils au pubis et que c’est depuis 10 ans que ça change. Le mot « érotique » est lâché, pas un seul pour se rendre compte que le sexe épilé d’une femme est le même que celui d’une fillette.
On pourrait me dire « oui mais ce n’est pas représentatif ». J’espère bien mais sur les autres radios, lorsque ce thème est abordé, c’est toujours le même topo. En sachant que ces 3 radios ont une audience assez importante chez les 12-25 ans, on peut s’inquiéter du lavage de cerveau permanent que subissent déjà les très jeunes.
On notera aussi que pour les aisselles, c’est plié, plus aucune femme d’une vingtaine d’années n’a de poils à cet endroit.
Je trouve normal qu’on dise « je préfère un pubis épilé parce que j’estime que c’est plus esthétique » mais c’est tout le discours autour que je ne peux accepter.
La radio devient donc un instrument de contamination mentale, avec un discours à sens unique, rejetant la PF avec tous les arguments idiots qu’on entend d’habitude.

La télévision s’est répandue dans les ménages européens dans les années 70. De nombreuses pubs étaient déjà diffusées, malgré le peu de chaînes. Paradoxalement, les pubs pour les rasoirs ou produits dépilatoires étaient très peu nombreuses, pour ne pas dire rarissimes. Mais le lavage de cerveau se faisait puisque toutes les femmes qu’on voyait dans les pubs étaient lisses, peu importe le produit vanté. Sans le vouloir, les vendeurs de voitures, de fromages, de savons, faisaient de la pub pour l’épilation en ne montrant que des femmes lisses. Le bombardement d’images a été crescendo dans les années 90 et c’est maintenant au tour d’Internet d’être contaminé par les stéréotypes misogynes.
Quand une firme de cosmétiques fait de la pub pour un rasoir féminin en disant réveillez la déesse qui est en vous, soyez belles, on dit aux femmes : avec des poils, vous êtes laides et en vous épilant, vous atteindrez la perfection. Chez une femme pas trop bien dans sa peau, ça marche à tous les coups.
Dans les pubs pour les produits dépilatoires, la femme est déjà lisse ! Comme si une pub pour une tondeuse à gazon montrait un jardin à l’herbe déjà coupée, ce serait aberrant. Alors que quand on voit une pub pour un rasoir masculin, l’homme y a une barbe de quelques jours. Les publicitaires censurent la PF, comme leurs lointains ancêtres.
Du coup, l’inconscient enregistre que « femme=aisselles lisses » et quand une « déviante » ose montrer des poils, cela provoque des réactions outrancières. Montrer la PF en Occident aujourd’hui, c’est un acte subversif.
Internet permet néanmoins d’avoir accès à des images de femmes naturelles mais ce sont bien souvent des sites à caractère érotique ou pornographique. Sur les sites « mainstream », les femmes sont minces, lisses et souvent blondes.
La censure est parfois là où l’on ne l’imagine pas, comme le démontre cet extrait d’un commentaire du forum des CdG, dans un sujet sur les poils féminins, en 2006

En parlant de pilosité féminine ça me rappelle quelque chose que j’ai vu en couverture d’un magazine. Un magazine sérieux , « L’Histoire » propose un dossier sur la prostitution. Sur la couverture un photo du début du XXème siècle, une femme qui a sa main derrière la tête. Je réalise qu’elle n’a pas de poils sous les bras, ça me paraît vraiment très bizarre… J’ouvre le magazine , quelques pages plus loin où ils présentent leur dossier il y a une reproduction en plus petit de l’image qui a servit à faire la couverture. Sur cette miniature , cette femme a des poils sous les aisselles :oS
Alors là, je dis c’est pas bien joué de la part d’un magazine qui se soucie de réalité historique de gommer ce détail.

C’est là qu’on voit le tabou dans toute sa splendeur, il est probable que les rédacteurs du magazine se sont dits « si l’on montre des poils en couverture, ça va faire fuir le lecteur potentiel ». C’est une supposition mais je ne dois pas être loin de la vérité.

Il existe un blog consacré aux femmes gardant leurs poils aux aisselles : les ronds sous les bras

René, l’auteur du blog, y écrit quelque chose qui en dit long sur le tabou de la PF

Je suis très choqué ! Deux femmes sur trois s’épilent les aisselles tout le temps, deux sur dix uniquement quand ça se voit et une sur dix (voire!) ne les épilent jamais.
Le poil gêne, c’est évident, mais je n’imaginais pas que ça irait jusqu’à cet avertissement de Google qui dit:
« Le blog que vous souhaitez afficher peut comporter des éléments exclusivement réservés aux adultes. »
cet avertissement est placé, habituellement, pour les sites pornographiques… comme s’il y avait des images tendancieuses sur mon blog !!
Dingue, non ?

Et oui, montrer les poils aux aisselles des femmes, c’est réservé aux adultes. On croit rêver.

Un autre blog du même genre : hairyarmpitswomen

Il y a régulièrement de nouvelles photos, de femmes lambda. On peut y voir de nombreuses Asiatiques, c’est la confirmation de ce que j’ai déjà constaté dans des docus, elles gardent souvent leurs poils. Certes, elles en ont moins que les Occidentales mais tout de même.

On m’a déjà rétorqué « je n’ai pas la télé, je n’écoute pas la radio, je ne lis pas de magazine, je ne vais pas au cinéma ». Sous-entendu, je ne suis pas influencé-e. Oui mais non. Dès qu’on sort de chez soi, on est littéralement agressé par les pubs sur les murs ou les culs des bus. Il y a les femmes de l’entourage : mère, soeur(s), cousines, copines, etc. La pression est permanente et il est impossible d’y échapper.
Cela fait penser à ce qu’il se passe dans les pays intégristes comme l’Iran ou l’Afghanistan : étant donné que toutes les femmes y sont voilées, l’inconscient de tous les gens enregistre que c’est la norme. Du coup, dès qu’une femme non-voilée apparaît, c’est le tollé. La différence entre l’Iran et nos pays occidentaux, c’est que nous vivons en démocratie et on ne jettera pas de pierres sur la « déviante » montrant ses poils. Mais le raisonnement est exactement le même : on rejette une femme qui ne se plie pas aux injonctions machistes qui refusent que les femmes montrent des attributs de séduction ou carrément, des attributs sexuels. Je reviendrai plus tard sur le lien entre le voile islamique et la peau lisse.

La pub n’en rate pas une pour pousser les femmes à croire qu’être sans poils, c’est naturel.

2 chercheuses féministes, Merran Toerien et Sue Wilkinson expliquent ceci dans une étude sur la PF

That women must make both the effort to be hairless and make the state of hairlessness appear ‘natural’ is illustrated by a magazine advertisement for the Phillips ‘‘Ladyshave and Care.’’ Juxtaposing a picture of a woman’s shaved legs with one of a flower, the ad reads: ‘‘Nature has many surfaces that are smooth and soft. Just like a woman’’ (in Marie Claire, 1999, p. 119)

Traduction : Le fait que les femmes doivent faire l’effort d’être glabres et faire en sorte que l’état glabre apparaisse comme naturel est illustré par une pub pour un rasoir Phillips. En juxtaposant l’image de jambes féminines lisses avec une fleur, la pub dit : « La nature a beaucoup de surfaces qui sont lisses et douces. Exactement comme les femmes ». (Marie-Claire, 1999)

Cette attitude est bien sûr typique de la pub, nous raconter des bobards mais dans le cas précis de la PF, cela s’inscrit dans le tabou et le lavage de cerveau car beaucoup de femmes ont tellement bien intégré la norme qu’elles disent sans sourciller qu’une jambe est naturelle sans poils !

La peau épilée n’est pas plus douce que la peau pas épilée, la perception est différente. Je fais référence à la douceur de la peau non épilée en la comparant à la chatte(l’animal), justement. A-t-on déjà entendu quelqu’un dire « j’ai rasé mon chat, il est plus doux maintenant » ? Et un crâne rasé, est-ce plus doux qu’une masse de cheveux ? Poser la question, c’est y répondre. Beaucoup d’hommes préfèrent toucher un duvet qu’un corps rasé ou épilé qui de toute façon, va finir par piquer. La sensation de « douceur » de la peau épilée/rasée est éphémère, la douceur du duvet ou des poils qu’on a laissé pousser est réelle, lorsqu’ils ont atteint leur longueur maximale.

En 2007, dans un dépliant du magasin Di (chaîne de produits cosmétiques en Belgique), voici comment on introduisait une pub pour des produits dépilatoires.

Depuis que la femme est… femme, elle n’a de cesse de vouloir éliminer ses poils disgracieux qui la rendent l’égale de l’homme, là où, précisément, elle ne souhaite pas l’être, c’est-à-dire sur les jambes, sous les aisselles et, horreur, au-dessus de ses douces lèvres. La nature, son alliée, lui offre le plus beau des présents dans cette lutte acharnée : la cire.

Tous mes efforts d’expliquer l’histoire de l’épilation réduits à néant en une phrase par ces marchands de crème. Ce sont les hommes qui ne voulaient pas que les femmes soient leur égale et non l’inverse ! C’est à croire que ces gens ignorent que la société était machiste et patriarcale et que donc, les femmes ne décidaient rien du tout. Puis, par une entourloupe, ils retournent la situation en évoquant un produit « naturel », la cire, comme pour faire passer la pilule avec l’argument écologique. C’est aussi la « nature » qui a fait que les femmes ont des poils, elle n’aurait pas pu faire en sorte que les femmes n’en aient pas ? Ah mince, non, comment on va vendre nos produits alors si les femmes étaient glabres ?

Dans une pub pour un rasoir féminin, Gillette diffusait un spot à la télé en 2007

On voit d’abord une femme qui court et ensuite, une femme qui chante avec des flammes à arrière-plan. La voix off dit
En chaque femme sommeillent force et passion, activez-les avec Vénus.
Puis, on voit une femme qui passe le rasoir sur sa jambe déjà épilée et la voix off dit
son gommage révèle une peau douce et lumineuse, vous vous sentez encore plus radieuse,
on voit alors plusieurs femmes aux aisselles épilées, au bord de l’eau, manifestement très joyeuses. En incrustation au bas de l’écran, on lit
révélez la déesse qui est en vous

Cette pub de 30 secondes seulement contient tous les clichés habituels associant le rasage à quelque chose de positif (force, passion, déité carrément). On remarquera que le mot rasage n’est pas utilisé mais plutôt gommage, on « gomme » les poils pour avoir une peau douce et lumineuse ?? La peau avec des poils peut aussi être très douce, imagine-t-on une pub incitant à se raser le crâne pour qu’il soit doux ?
Le message de fin indique bien qu’une femme épilée est une déesse, contrairement à celle qui a des poils qui n’est qu’une simple mortelle, je suppose.

En conclusion, les médias entretiennent le tabou ancestral. Il est hors de question de montrer la PF et quand on en parle, on s’en moque ouvertement. Au moment d’écrire ces lignes(début 2010), un documentaire consacré aux poils est diffusé en France : « Tous à poils ! » d’Anne-Sophie Levy-Chambon, voici ce qu’elle dit après 10 minutes.

Et oui, la beauté est lisse, et même quand il ne dépasse pas, le poil dérange. Non seulement, on ne veut pas le voir, mais on ne veut pas non plus en parler. Dans mon enquête, j’ai sollicité toute la presse de charme et de beauté pour savoir si le poil était devenu interdit dans les magazines. Et personne n’a accepté de me rencontrer.

Je ne suis pas surpris de ce refus, même si son statut de journaliste aurait dû lui permettre d’ouvrir certaines portes. En tout cas, ceux qui doutent du tabou ou qui minimisent son importance ont maintenant une preuve formelle.


8. La PF au cinéma

Les organes génitaux de la femme ne doivent pas se traduire, sous une étoffe, ni en ombre, ni en sillon. Toute allusion au système pileux, y compris les aisselles, est proscrite.

Cette phrase est extraite du « Code Hollywood » (ou code Hays), une liste de recommandations mais surtout, de censure car le cinéma était considéré comme décadent.
Chaque nouveau média a été considéré comme subversif, dès son apparition. En effet, c’était l’inconnu et les puritains craignaient que ce média ne débauche les gens, les détourne de la religion, des « bonnes moeurs ». C’était une vaste hypocrisie puisque la prostitution était autorisée et même encouragée, afin que les hommes puissent assouvir des fantasmes avec d’autres femmes que leur épouse, la sexualité avec celle-ci étant uniquement pour la procréation.
Donc, les premiers films sortent vers 1896 et dès le début, des « ligues de vertu » protestent. Voici ce que j’ai trouvé il y a quelques années sur un site anglophone.

I researched some of this for a gender communication class and thought it might be useful for you. Part of the pressures to get women to shave came from the « New York Society for Suppression of Vice » type organizations because they figured the best way to censor movies would be to make it so that movies could not show body hair on women. To get by this, some very smart movie people shaved the women there by getting away with more revealing clothing like what you mentioned.

Traduction : certaines pressions pour que les femmes se rasent viennent d’organisations comme la « Société New-Yorkaise pour la suppression du vice » (ou « légion de la décence ») parce qu’ils pensaient que le meilleur moyen de censurer des films était d’interdire qu’on ne montre la PF. Pour éluder le problème, certaines personnes ont demandé aux actrices de se raser les aisselles et les jambes afin de révéler d’autres parties du corps.

Je rappelle qu’à cette époque, les femmes « de bonne famille » ne montrent même pas une cheville, c’est considéré comme choquant. Alors montrer les jambes ou les aisselles, c’est inconcevable.

Voici maintenant une explication sur ce qu’était ce comité de censure, écrit par Hélène Charlery.

William Hays est à l’origine du Code de Production qui formata le cinéma hollywoodien dans la première moitié du XXe siècle. En 1922, il fut nommé à la tête de la Motion Picture Producers and Distributors Association (MPPDA),organisation regroupant plusieurs producteurs et studios hollywoodiens désireux de faire taire les nombreuses protestations à l’encontre de l’industrie, que l’on jugeait alors pernicieuse et décadente. Afin de faire taire les critiques, William Hays établit en 1927 les « Don’ts and Be Carefuls ». Dans cette série de conseils et de recommandations, il regroupa les diverses objections faites dans les bureaux de censure locaux. Le cinéma n’étant soumis à aucune censure nationale, chaque État avait le droit de formuler des objections sur une oeuvre cinématographique et de créer un comité de censure au niveau local ou au niveau de l’État. William Hays prit judicieusement en compte les remarques de ces comités et imposa un contrôle lors de la lecture du script, avant la production et la réalisation du film. Il parvint progressivement à convaincre les producteurs d’adopter ces mesures. Ces derniers comprirent en effet rapidement que répondre aux attentes des censeurs avant la fabrication d’un film représentait des coûts moins importants que de procéder à la coupure des scènes, une fois le film réalisé.

En fait, chaque coupure de scène dans un film était facturée au réalisateur. Il prenait donc à la lettre toutes les recommandations dont certaines sont farfelues (pas de blasphèmes) et d’autres, racistes (pas de scène de baiser entre Noirs et Blancs).

Ce qui m’intéresse dans le code Hays, c’est évidemment la censure de la PF et on verra que cette censure existe encore, malgré la disparition du code Hays dans les années 50. C’est d’ailleurs le seul élément qui subsiste, ce qui peut sembler curieux mais en fait, ça s’explique par la censure ancestrale. Hays n’a rien fait de plus que les censeurs grecs et ceux du Moyen Age.

Ce qui fait que même dans les films muets des années 1920, les actrices ont les aisselles lisses alors que les femmes lambda ne se rasent pas encore régulièrement. Le cinéma est précurseur, en quelque sorte et comme c’est le seul loisir populaire et accessible à tous à l’époque, il fait rêver hommes et femmes. Les hommes aimeraient avoir comme femme telle ou telle actrice. Les femmes voudraient ressembler à une actrice et donc, commencent à se raser. En 1933 sort « King Kong » et Fay Wray, l’actrice qui joue le rôle de la femme capturée par le singe a les aisselles bien lisses.
On pourrait penser que ça ne concerne que le cinéma américain. Il n’en est rien car les réalisateurs européens, s’ils veulent voir leurs films projetés aux USA, doivent se soumettre au code Hays également. Ce qui donne des films français dont les actrices principales ont les aisselles lisses alors que presque aucune femme lambda ne se les rase ! Insidieusement, les Européens sont donc contaminés par le cinéma, qui représente évidemment une part de rêve, à cette époque tourmentée des années 30. Par contre, si l’on regarde bien les figurantes qui exposent leurs aisselles, on voit qu’elles ont des poils. Ce qui signifie que les actrices principales avaient des consignes à respecter mais on était moins regardant concernant les seconds rôles et les figurantes.

Dans les années 50, presque tous les films italiens montrent des actrices aux aisselles naturelles. Comme le code Hays meurt lentement, ça passe à Hollywood, même si certaines dents grincent. Par contre, dans les films français, c’est mitigé. Exemple, Brigitte Bardot qui n’a de poils aux aisselles que dans 2 films, un de ses premiers quand elle a 18 ans en 1952 et un autre en 1962, dans une scène probablement tournée une deuxième fois plus tard et elle ne s’était pas rasée car dans les autres scènes du film, elle est lisse. Très peu d’actrices françaises de l’époque arborent des aisselles naturelles. C’est le résultat du code Hays, les réalisateurs français ont pris l’habitude de s’y soumettre et ne changent pas d’avis malgré la disparition du code Hays.

Dans les années 70 et 80, on peut voir la PF de certaines actrices françaises : Jeanne Moreau, Bernadette Lafont, Béatrice Dalle, Sandrine Bonnaire, Juliette Binoche, Marie Trintignant, Isabelle Huppert, Emmanuelle Seigner. Ça fait jaser mais certains réalisateurs s’en moquent et transgressent le tabou. Malheureusement, ces mêmes actrices, dans les années 90 et 2000 ont perdu leurs poils.
Pendant ce temps aux USA, les aisselles restent bien lisses dans les films. Il faut dire que les Etasuniennes s’épilent de plus en plus. Mais dans les années 90, une étape est franchie dans l’intolérance. Hollywood a refusé qu’un film anglais (« The Winter Guest ») soit diffusé aux USA car Emma Thompson y avait des poils aux aisselles ! Il fallait que le réalisateur retouche les séquences pour qu’on enlève les poils.

En janvier 1998, on lisait ceci dans l’Associated Newspapers Ltd.

Hollywood bosses are reported to have airbrushed Emma Thompson’s underarm hair out of the film The Winter Guest, which premiered last night. The American distributors apparently found the sight of Emma’s hairy armpits in the film a trifle distasteful and have called for the offending armpit hair to be airbrushed out.

Traduction : Les patrons hollywoodiens auraient fait effacer les poils aux aisselles d’Emma Thompson dans le film The Winter Guest, qui est sorti hier soir. Apparemment, les distributeurs américains ont trouvé un rien déplaisante la vue des aisselles poilues d’Emma dans le film et ont demandé à ce que ces poils d’aisselles choquants soient retouchés.

C’est de la censure avérée. Le pire, c’est que ces pontes ne sont pas du tout dérangés par des gens se faisant dézinguer dans des scènes gore. Mais quelques malheureux poils et c’est le scandale.

Puis, c’est au tour de Julia Roberts (JR) de subir les foudres de la presse après être apparue publiquement avec des poils aux aisselles.

Voici ce qu’on pouvait lire dans « The Sun » le 29 avril 1999, sous la plume d’Emily Simpson dans un article intitulé « Pitty woman »

When Julia Roberts, appeared in 1999 at a film premiere with unshaved underarms, her body hair – rather than her lead role in the film – became the focus of (negative) media attention. Tom Loxley, features editor of the magazine Maxim, was one of her many critics: «What is Julia thinking? The only place men want to see hair is on a woman’s head. Under the arms is unacceptable. From hairy armpits it is only a small step to The Planet Of The Apes.» »

Qu’on pourrait traduire ainsi: Quand JR apparut en 1999 à une première avec les aisselles non-épilées, c’est sa pilosité – plutôt que son rôle dans le film – qui a attiré l’attention négative des médias. Tom Loxley, éditorialiste du magazine Maxim, l’un de ses nombreux détracteurs disait :
qu’est-ce qu’elle croit Julia ? Le seul endroit où les hommes veulent voir des poils, c’est sur la tête d’une femme. Sous les bras, c’est inacceptable. Entre les aisselles poilues et la planète des Singes, il n’y a qu’un pas. »

Je crois que s’il y a quelqu’un qui mérite d’aller sur la planète des primitifs, c’est bien ce triste sire et non une femme qui montre un des attributs de sa féminité. Je fais souvent allusion à une loi non-écrite interdisant aux femmes d’avoir des poils : la pensée de cet homme l’exprime clairement et il se permet de dire aux femmes ce qu’elles doivent faire pour « plaire » aux hommes. De plus, il parle au nom de tous les hommes et pense qu’ils ont tous le même avis, c’est significatif de la censure qui ne dit pas son nom. Pour mieux comprendre, il suffit d’inverser la situation : imaginons une journaliste qui dirait de Sébastien Chabal : « que croit-il, les femmes ne veulent que des hommes aux cheveux courts et sans barbe. » On lui répondrait à juste titre qu’elle est mal placée pour parler au nom de toutes les femmes et que rien n’interdit aux hommes d’avoir des cheveux longs et une barbe fournie (ou le crâne rasé).

On voit bien que cent ans après les premiers comités de censure, rien n’a changé. Le code Hays est mort depuis longtemps mais les femmes n’ont pas le droit de montrer des attributs de féminité.
Autre exemple célèbre, Kate Winslet a les aisselles épilées, dans « Titanic » (la scène où Leonardo di Caprio la peint). C’est évidemment totalement anachronique. Le réalisateur James Cameron s’est posé la question de savoir si l’actrice devait apparaître naturelle, comme les dessins représentant des femmes nues qu’on voit dans la scène. Elle n’y voyait aucun inconvénient car elle avait déjà montré sa beauté naturelle dans d’autres films. Mais il a décidé que ce n’était pas « beau », que ça ne correspondait pas aux critères de notre époque. Il a surtout craint que son film ne passe pas car il sait très bien qu’à Hollywood, les poils qu’on voit pendant 10 secondes auraient éclipsé le reste du film.

L’actrice australienne Toni Collette a aussi subi les foudres d’Hollywood. En avril 2002, elle disait ceci, info trouvée sur le site imdb.com, la Bible du cinéma.

« I remember one time, when a big Los Angeles studio had serious concerns about my underarm hair. I was about to begin shooting a film and they wanted me to shave off my hair. I was told a series of hysterical meetings followed, because it’s just not accepted in Hollywood that actresses should have hair under their arms. I wasn’t fitting in with the norm. »

Traduction : je me souviens qu’un grand studio de LA avait un sérieux problème avec mes poils aux aisselles. Je devais commencer à tourner et ils voulaient que je me rase. On m’a dit qu’une série de réunions hystériques ont suivi, car on n’admet pas à Hollywood que des actrices aient des poils sous les bras. Je n’étais pas dans la norme.

Malheureusement, les réalisateurs français ne font pas mieux, soit par ignorance, soit volontairement, quand il s’agit de tourner des films « historiques ». C’est aussi anachronique de montrer une femme épilée jusqu’en 1960 que si elle avait un téléphone portable ou un piercing ! Ou bien, de voir « Les brigades du Tigre » avec des hommes sans barbe ou moustache. Tout le monde trouverait ce dernier cas aberrant et pourtant, personne ne réagit quand on voit des femmes du passé au corps lisse. Dans « Faubourg 36 », il y a une scène dans un lavoir où les femmes sont sans manches et quand elles lèvent les bras, leurs aisselles sont lisses ! C’est invraisemblable. Quand on regarde les documents de l’INA de l’époque avec des « vraies » gens, on voit bien que les femmes ne s’épilaient pas. J’ai écrit à différents réalisateurs (pas facile de trouver leur adresse mail d’ailleurs) et certains m’ont avoué ne pas connaître ce « détail », ils pensaient de bonne foi que les femmes s’épilaient depuis toujours ! Même les historiens consultés ne le savent pas tous, comment en vouloir alors aux réalisateurs ?
En 2008, j’ai vu la BO du film « Les femmes de l’ombre », de J-P Salomé, censé se dérouler en 1944 et toutes les actrices sont épilées ! J’ai expliqué l’incohérence dans un mail à l’historien auquel le réalisateur a fait appel (Olivier Wieviorka, prof à l’ENS de Cachan) et il m’a remercié en disant que c’était très intéressant et qu’il allait l’envoyer au réalisateur. Ainsi, ils sont informés et j’espère que pour leurs futurs films, ils tiendront compte de ce « détail ». En plus, les poils sont un accessoire gratuit, ça change des costumes et voitures anciennes.
Ce qui est surprenant, c’est que cet historien est présenté comme un spécialiste de la guerre. Or, il suffit de regarder les documents de l’INA datant de l’époque, montrant des femmes en maillot : il n’y en a aucune qui s’épile ! Cela en dit long sur le bourrage de crâne qui fait qu’on ne voit pas ce « détail », une amnésie qui est un résidu atavique.

Il y a d’autres incohérences, comme le feuilleton « Lost ». Dans une interview, on demandait à l’acteur Josh Holloway s’il aurait pu faire la pub d’une marque de rasoir et il répond que non car dans « Lost », il a toujours une barbe de 3 jours et qu’il ne pouvait donc pas apparaître bien rasé, à moins que, pour être crédible, l’avion écrasé aurait dû contenir des tonnes de rasoir et de mousses à raser. Rien de particulier sauf qu’il ne parle pas des jambes et aisselles des femmes parfaitement lisses, le journaliste ne relève même pas. Preuve que la notion d’épilation pour les femmes est tellement bien intégrée que l’on ne voit même plus le paradoxe. Un peu comme si les poils des femmes ne poussaient pas sur l’île. Leurs vêtements sont déchirés, ils sont sales mais les femmes sont lisses ! A croire que le seul commerce sur l’île, c’est un salon d’esthétique.

C’est dans les documentaires qu’on voit encore de temps en temps des femmes aux aisselles naturelles. Ce sont de « vraies » gens à qui on n’impose pas de se raser, ce qui prouve que les femmes pas épilées existent, même si elles sont très minoritaires.

Concernant le pubis, le cinéma classique est le dernier endroit où l’on en voit des naturels, voir aussi ce que j’explique dans le chapitre sur la pornographie et les images érotiques. Les actrices « normales », dans les scènes de nudité frontale, montrent la plupart du temps un pubis naturel mais dans la jeune génération, il n’est pas rare de voir des pubis rasés. Je pense à Emma de Caunes, Sara Forestier, Marie Gillain, Linda Hardy, Verena Mundhenke.
Mais cette différence entre cinéma classique et porno étonne les fanas de l’intégrale. Voici une question posée dans un sujet ouvert en 2005 sur doctissimo.fr

Pourquoi quand on voit une comedienne nue au cinema elle a toujours des poils au minou facon annees 70 (gros barbu sans epilation)?

On voit directement le côté élégant (gros barbu) et aussi, la référence aux années 70, comme si les femmes s’étaient épilées depuis toujours, avaient stoppé en 70 et recommencé en 2000.

Une réponse loin de la réalité : j’ai lu qque part que c’est une sorte de « cache sexe » en faux poils…. pour respecter leur pudeur.

En fait, ce ne sont pas de faux poils, elles ne se rasent pas le pubis, tout simplement. Mais la jeune génération est tellement habituée à ne plus voir de poils pubiens qu’ils imaginent donc que les femmes plus âgées font pareil et que les réalisateurs sont obligés d’utiliser des faux poils.

Il existe une liste recensant les films où des actrices ont des aisselles naturelles, la Cinema Pitlist mais son auteur a arrêté en 2002. Il y a maintenant le complément à la Pitlist.

Il existe un blog qui répertorie les actrices ayant montré leurs aisselles naturelles dans les films, avec de nombreuses captures d’écran.